"Qui suis-je pour…?"

3 questions à Bruno Roche

En conclusion du cycle "Six mots pour comprendre notre temps", Bruno Roche revient sur sa dernière conférence "Qui suis-je pour…?"

"Qui suis-je pour…?" est l'expression d'un désaisissement. Lequel ?

Bruno Roche : Cette expression peut en effet se comprendre comme une démission, comme la reconnaissance d'une incapacité. Elle est le signe d'un moi souverain et aussi souverainement vide, comme abandonné à lui-même, sans repère, un peu comme dans le théâtre de Beckett. 

Lorsque le pape François à son retour de Rio s'exprime ainsi : "Si une personne est gay et cherche le Seigneur avec bonne volonté, qui suis-je pour le juger ? S'agit-il d'une démission de la raison ?

BR : Ici, c'est un peu différent : juger l'autre, c'est prendre le point de vue du moraliste et du donneur de leçon, qui s'exonère de la faute qu'il relève en l'autre. Celui qui juge doit bien se dire qu'il peut, comme Pierre, être celui qui renie le Christ. Cette possibilité toujours ouverte ne nous tient pas dans l'angoisse de la culpabilité, elle nous dispose au pardon.

Entre le refus de compromettre l'autre et la recherche systématique de bouc-émissaires, que devient le "je" pensant ?

BR : La question est de savoir ce qu'il faut à un "je" pour devenir quelqu'un de singulier. Il lui faut quelque chose par quoi le sérieux entre dans sa vie, un "tu", ou un "Il" qui par son interpellation mette fin à l'amère dérision et à la vacuité… En somme, quelque chose qui formule l'urgence de penser. 

 

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