"Vivre ensemble", un tic de langage ?

3 questions à Bruno Roche

 

Pour comprendre notre temps, il faut savoir reprendre notre liberté vis-à-vis des mots que l'opinion impose comme des évidences. C'est ce que propose le cycle "Six mots" dans lequel Bruno Roche interrogeait récemment le "vivre ensemble". Suite aux attentats qui ont eu lieu à Paris, il revient sur ce mot de l'actualité. Mais est-il d'actualité ?

 

 

 

Dans un communiqué qui fait suite aux attentats du 13 novembre, la maire de Paris, Anne Hidalgo, déclare que c'est le Paris, "modèle du vivre ensemble" qui a été pris pour cible. Qu'en pensez-vous ? 

Bruno Roche : Beaucoup de commentateurs ont en effet remarqué que c'est notre "art de vivre", notre manière particulière de commercer avec les autres et de jouir de la vie qui ont été pris pour cible. Il est indéniable que cet art de vivre règle en partie nos conduites collectives. Toute la question est de savoir si il suffit à constituer un véritable être-ensemble. 

Qu'est-ce qui pourrait servir aujourd'hui de modèle du "vivre ensemble" ?

BR : Cette question est au coeur du débat. Si on parle tant du "vivre ensemble", c'est aussi pour exorciser son absence et se donner du courage, ce qui n'est pas si mal. En disant "ensemble", on veut dire "tous ensemble", ce qui suppose que la diversité que nous formons soit reliée et tenue ensemble par un fond d'unité. Faut-il demander ce fond d'unité à la loi, au pacte républicain, à l'aspiration universelle à la jouissance ? Tous ces modèles me semblent être des impasses. 

"Vivre ensemble", n'est-ce pas un pléonasme ?

BR : Vivre, c'est en effet spontanément être en relation avec autre chose que soi, que cette dépendance soit celle de la nature ou celle d'autrui. Mais de là à former société, il y a un grand pas ! Toute société a son lot de clivages et de divisions. Il n'est pas certain que nous puissions ici-bas connaître autre chose qu'un "vivre ensemble" fracturé, fissuré, provisoire. 

Réécoutez la conférence en ligne du 9 novembre 2015 "Vivre ensemble" par Bruno Roche

 

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